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michel geoffroy - Page 25

  • Une évolution symbolique de notre temps...

    Au cours de l'été, lors d'un déplacement en train et d'un passage à Paris, certains lecteurs auront peut-être l'occasion (sinon la chance) de passer par la nouvelle gare Saint-Lazare et, ainsi, de se faire une idée des lieux et de la transformation qu'ils ont subie. Pour les autres, nous leur offrons de découvrir ce «lieu de vie ouvert sur la ville» grâce à la plume acérée de Michel Geoffroy, qui a livré son analyse à Polémia.

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    La gare Saint-Lazare change : une évolution symbolique de notre temps

    La gare Saint-Lazare, qui remonte à Louis-Philippe, est l'une des plus anciennes et des plus importantes de Paris pour le trafic de voyageurs. Mais elle n'avait pas fait l'objet d'une rénovation depuis les années 1970. Aujourd'hui c'est chose faite. On l'a « pensée comme un véritable lieu de vie ouvert sur la ville et ses transports, accessible à tous », nous dit la SNCF. Traduisons la novlangue.

    Une gare transformée pour le doux commerce

    La gare, dont le hall et le quai transversal ont été rénovés, est désormais dotée d'un nouvel « espace commercial » : en clair, elle est devenue un centre commercial ! Les travaux ont été conduits par Klepierre, spécialiste des centres commerciaux. C'est dire.

    La gare accueille désormais 80 boutiques environ, bien éclairées grâce à la rénovation de la verrière : des boutiques du genre de celles que l'on trouve partout ; on y vend des fringues, de la restauration rapide, de l'audiovisuel et il y a des supérettes. Le genre de marchandises qui sied à une société déracinée, dans un monde « globalisé ».

    Mais les quais, qui voient chaque jour se déverser 450.000 voyageurs, n'ont par contre pas changé depuis le siècle dernier.

    Chaque matin on piétine donc pour s'extirper de son train et sortir de la gare. Mais que l'on ne s'inquiète pas : la SNCF va de l'avant puisque le doux commerce entre en gare !

    Certes, il y a toujours un haut-parleur pour expliquer qu'en raison d'une avarie de matériel, d'un accident de personne (variante : un accident grave de voyageur), ou d'un mouvement social, tel ou tel train ne fonctionne plus. Mais pas de panique : les usagers, que l'on remercie pour leur « patience et leur compréhension » vont sans doute aller faire un tour dans les boutiques pour patienter. Et on a d'ailleurs rénové la salle d'attente.

    Les distributeurs automatiques ont pris la place des guichets d'antan. Dans ce monde minéral et automatisé il fallait libérer le hall, en effet, pour accéder aux commerces.

    Et puis les écrans, les vrais dieux Lares de notre temps, sont partout, qui remplacent avantageusement les agents de la gare, car en général eux ne suivent pas les fameux « mouvements sociaux ».

    Metropolis, mais en vrai

    C'est le soir que l'on apprécie vraiment ce « lieu de vie ouvert à tous ». Et la nuit plus encore.

    Le matin, en effet, la ressource humaine du système économique, en majorité autochtone, est en retard ou pressée : elle fait de son mieux pour sortir au plus vite de la gare. Elle se précipite vers les bus ou les métros, en attrapant au passage le dernier journal gratuit que lui tendent une armada de gentils distributeurs ambulants, qui font beaucoup d'efforts pour que chacun soit ainsi bien « informé ». Pas le temps de musarder dans les boutiques !

    Les usagers descendent en foule solitaire, leur MP3 vissé dans les oreilles, dans les sous-sols, comme dans le sinistre film de Fritz Lang, Metropolis. Mais ce n'est plus du cinéma.

    La diversité c'est mieux le soir

    La gare s'anime vraiment le soir : car c'est le moment où les « jeunes » et les allogènes, qui ne sont manifestement pas du matin, prennent possession des lieux. Ils s'installent sur les escaliers, hurlent dans leurs portables et palabrent en matant les meufs.

    Assurément ils enrichissent le quotidien des voyageurs, avec leurs tenues bariolées, leurs casquettes mises à l'envers, leurs chaussures Nike rutilantes, leurs scooters vrombissant ou leurs éclats de voix.

    Ils apportent aussi une note d'optimisme, car en les regardant (pas trop quand même : on ne sait jamais ce qui pourrait se passer s'il y avait un réfugié tchétchène parmi eux…) ou en les entendant rire à pleines dents, on n'a pas l'impression de voir les victimes du chômage et de la discrimination dont nous parlent toujours d'un air contrit les médias.

    Peut-être sont-ce des intermittents du spectacle employés par la SNCF pour nous faire voir la vie avec exotisme ?

    Une Babel moderne

    Après une journée de travail, les usagers ont donc la joie de devoir zigzaguer entre les cannettes de bière, les « jeunes » ou les clochards, pour franchir les escaliers, que manifestement la SNCF ne considère plus comme faisant encore partie de l'emprise de la gare. C'est sans doute un « lieu de vie » qu'il faut respecter !

    Il faut aussi éviter les fumeurs qui s'agglutinent aux portes : on appréciera d'ailleurs que dans ces gares conçues au XIXe siècle pour évacuer vers le haut la fumée des locomotives à vapeur, on ne puisse plus fumer aujourd'hui qu'à l'extérieur…

    En soirée, la gare se métamorphose pour notre plaisir en grand aéroport international, les avions et les hôtesses en moins.

    La gare devient le lieu de rencontre de tous les peuples de la terre : une Babel de notre temps, qui doit ravir les bobos. On y entend tous les idiomes, on y croise toutes les tenues et des bambins de toutes les couleurs, avec une nette dominante africaine cependant. On n'a plus l'impression d'être à Paris.

    Merci à la SNCF de nous faire voyager de par le vaste monde pour le prix d'un modeste billet ! Pardon : d'un modeste abonnement – si possible annuel – payé d'avance, car le billet de train est devenu chose rare de nos jours. Ce n'était pas « rentable ».

    Bienvenue dans le meilleur des mondes

    Mais il y a quand même toutes sortes de policiers et vigiles dans cette gare « lumineuse et transparente » et cet espace d'échange : police nationale, gendarmes, police ferroviaire, police du métro, etc., tous pareillement vêtus, genre ninja mais sans cagoule, et en général constitués en patrouilles mixtes, diversité oblige : un blanc patibulaire, un black (pour parler gentiment aux blacks sans doute) et une femme.

    Sans oublier les braves militaires de Vigipirate qui déambulent, fusil à la main, l'air absent. Il y a aussi les contrôleurs de la SNCF qui ne se déplacent qu'en groupe et qui présentent désormais une remarquable diversité de coiffures, d'accoutrements ou d'ethnies, sans doute pour s'adapter à la clientèle du soir.

    Dans ce lieu de vie, on nous explique que tout bagage abandonné sera détruit ou qu'il faut surveiller nos affaires car des « pickpockets sont susceptibles d'opérer dans cette gare ». Tant pis pour vous on vous aura prévenus, semblent vouloir dire ces annonces, qui déchargent par avance la SNCF de toute responsabilité.

    Comme tout cela est rassurant ! On se sent tellement chez soi dans ce temple du voyage et du commerce qu'on a vraiment envie d'être ailleurs : c'est sans doute cela la magie du voyage.

    Merci la SNCF !

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 juillet 2012)

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  • Les législatives sans le peuple...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse d'Andrea Massari et de Michel geoffroy, cueillie sur Polémia et consacrée aux leçons qu'il est possible de tirer des élections législatives...

     

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    Les législatives sans le peuple

    1-Une abstention record

    Au deuxième tour de l’élection législative, le 17 juin 2012, 47,60% des électeurs se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. C’est un record absolu sous la Ve République. Plus de la moitié des moins de 44 ans se sont abstenus, tout comme la majorité des employés et des ouvriers. Illustration du désintérêt pour l’élection : durant l’entre-deux-tours, les couvertures des magazines (Le Nouvel Observateur, L’Express, Marianne) titraient, non sur l’enjeu du scrutin, mais sur la guerre des concubines présidentielles (« La première femme contre la première dame », selon France Dimanche).

    2-Une assemblée à la représentativité douteuse

    Avec 16,5% des inscrits au premier tour le Parti socialiste a la majorité absolue. Avec 2% à l’élection présidentielle, les écologistes disposent de 18 élus. Avec 18% à l’élection présidentielle, le Front national dispose de 2 élus.

    On notera, en contrepoint, que les minorités ethniques disposent au titre de la « diversité » de 10 députés et de 3 ministres.

    Précisons que la circonscription de Marine Le Pen avait été redéfinie par le gouvernement Fillon pour rendre la victoire de la gauche plus facile (avec l’ancien découpage Marine Le Pen aurait été élue avec 53% des suffrages !)

    Marine Le Pen (18% à la présidentielle), Jean-Luc Mélenchon (11%), François Bayrou (9%) sont exclus de l’assemblée nationale : soit trois personnalités représentatives de 38% des électeurs.

    3- La stratégie centriste de Fillon, Copé, Juppé a démobilisé les électeurs UMP

    Avec la « stratégie Buisson », celle d’un langage à droite toute, Nicolas Sarkozy est parvenu à rassembler 48,5% suffrages, le 6 mai 2012. A contrario, la mollesse de la campagne législative Copé/Fillon a accentué la démobilisation naturelle de l’électorat. L’UMP ne retrouve que 44% des suffrages, soit 4,5 points de moins qu’à la présidentielle.

    Les reports du FN vers l’UMP ont été découragés par les déclarations politiquement correctes des Juppé, Dati, Jouanno (tous non candidats), NKM et autres Copé.

    A contrario, les médias ont beaucoup glosé sur la défaite des élus UMP de la droite populaire, sans voir que beaucoup d’entre eux partaient de situations très défavorables ; pourtant, dans leurs circonscriptions, Jean-Paul Garraud, Brigitte Barèges ou Bernard Carayon, quoique battus, limitent les pertes par rapport à la moyenne nationale.

    4- L’union à droite, cela marche : le populiste Bompard élu à Orange

    L’élection de Jacques Bompard à Orange a été très largement passée sous silence par les médias. Or Bompard a été particulièrement bien élu, obtenant près de 59% des suffrages. Parti de 22% au premier tour, il a réuni sur son nom la quasi-totalité des 40% de suffrages dispersés sur le Front national, l’UMP et les candidats divers droites. Ce brillant résultat est le fruit d’une fidélité sans faille à ses convictions politiques, d’un travail de terrain constant et d’une habile stratégie électorale. C’est dans ce contexte, propre au Comtat Venaissin, que Marion Le Pen a été élue à Carpentras avec l’aide de l’équipe de campagne de son suppléant intelligemment choisi parmi la Ligue du Sud de Bompard.

    5-Les reports UMP/FN ont existé et le Front national est donc entré dans un processus de normalisation politique

    Là où le FN était fort, il a bénéficié de bons reports de l’UMP : notamment à Hénin-Beaumont dès le premier tour ; dans le Gard pour Gilbert Collard qui a même bénéficié, au deuxième tour, d’un « vote utile » en sa faveur ; et aussi dans les Bouches-du-Rhône où deux candidats FN ont atteint 49% : des chiffres insuffisants pour gagner mais néanmoins très significatifs, puisque supérieurs aux résultats obtenus en 1988 et 1997. De même Florian Philippot a bénéficié de bons reports UMP en Lorraine.

    Le Front national est donc bien entré dans un processus de normalisation politique, au grand dam de la gauche et de l’oligarchie.

    Cela tient à la fois à la personne et à l’action de Marine Le Pen, mais aussi au fait que la situation générale de notre pays et de l’Europe confirme les analyses de la droite identitaire. Le discours d’ostracisme vis-à-vis du Front national est donc de moins en moins audible, dans un pays de plus en plus en crise. Le Front de gauche, malgré un soutien systématique de l’oligarchie médiatique, a d’ailleurs été incapable de supplanter le Front national, en particulier à cause de sa position sur l’immigration.

    6-La partialité médiatique a une fois de plus biaisé l’élection en faveur des médiagogues

    Il y a une grande différence entre un référendum et une élection représentative. A un référendum les électeurs votent pour des idées et des projets. A une élection représentative les électeurs votent aussi en fonction des images des candidats. Ainsi certains candidats – NKM par exemple – sont angélisés. D’autres sont diabolisés, comme le furent Christian Vanneste (éliminé dès le premier tour), Nadine Morano ou Jean-Paul Garraud. Et l’opinion est, volens nolens, influencée par les personnalités les plus présentes dans les médias qui sont précisément celles qui tiennent le discours le plus convenu et le plus politiquement correct.

    7-Hollande : des pouvoirs réduits, une légitimité faible

    Les médias ont glosé sur les pouvoirs rassemblés par Hollande : la majorité absolue de l’Assemblée nationale, la majorité du Sénat, la majorité des collectivités territoriales.

    Mais ces pouvoirs sont limités par ceux des organisations internationales : l’Union européenne, l’Organisation mondiale du commerce, l’OTAN. Sa marge de manœuvre est dérisoire.

    En interne ses pouvoirs sont limités par les organes juridictionnels : sait-on, par exemple, que depuis 40 ans, 90% des lois et décrets sur l’immigration ne sont pas le fait des députés mais celui du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice européenne, de la Cour européenne des droits de l’homme ?

    Hollande a été choisi (à défaut de DSK, indisponible) comme gérant d’apparence des intérêts de la superclasse mondiale. Sa marge de manœuvre est faible. De retour de la conférence du Bilderberg (où il a séjourné, en Virginie, du 29 mai au 3 juin), Erik Israélewicz, directeur du Monde (dont Matthieu Pigasse, de la banque Lazard, est l’actionnaire de référence), fixe la feuille de route présidentielle : dans des éditoriaux à l’arrogance mal dissimulée, le patron du Monde dit au président de la République ce qu’il doit faire, sur l’euro, l’Europe, la Grèce, le redressement des comptes publics et même comment il doit recadrer sa concubine…

    8-Hollande, une légitimité fragile

    Or Hollande, malgré les discours euphoriques de médias versatiles, a une légitimité faible : il n’a obtenu que 48,64% des votants du deuxième tour, davantage par rejet de Nicolas Sarkozy que par adhésion. Et il n’a obtenu la majorité des suffrages exprimés que par le vote des minorités ethniques dont les représentants les plus agités ont fêté la victoire en agitant des drapeaux étrangers.

    Aux législatives, on l’a dit, et là aussi malgré la mobilisation du vote ethnique en sa faveur, le Parti socialiste n’a rassemblé que 16,1% des suffrages.

    Jamais sous la Ve République la coupure entre le pays légal et le pays réel n’a donc été aussi profonde ; l’usure du système politique français, de moins en moins représentatif, est manifeste et le clivage gauche/droite recouvre donc de plus en plus un clivage identitaire, ce qui va contribuer à radicaliser le débat politique.

    Sur le plan du style, la « présidence normale » et son gouvernement se sont coulés dans la continuité de l’hyperréactivité émotionnelle, les morts de militaires et de gendarmes et les blessures de policier servant cyniquement de carburant électoral. C’est une stratégie médiatique efficace à court terme mais dangereuse dans la durée.

    Bon courage, M. Hollande

    Michel Geoffroy et Andrea Massari (Polémia, 19 juin 2012) 

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  • L'homme sur la photographie...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la photographie officielle de François Hollande, président de la République... Bien vue !...

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    L'homme sur la photographie

    Le « changement » se niche partout. Y compris dans la photo officielle du nouveau président de la République, prise par Raymond Depardon dans les jardins de l’Elysée.

    La nouvelle photographie a été annoncée comme un grand événement. C’est « un moment d’histoire », a déclaré le directeur de cabinet du président. Certains se contentent de peu.
    Que voit –on en effet sur cette photographie ?
    Rien. Ou beaucoup de choses, au contraire.

    Un homme dans un parc

    On voit d’abord un homme dans un parc, vêtu d’un complet sombre.

    L’Elysée étant pris sous un angle inhabituel, on ne sait pas au premier regard que l’on a affaire au premier personnage de l’Etat. On voit au loin deux vagues bâtisses et, à gauche, des étoffes qui pendent : trois couleurs et quelque chose de moins identifiable à côté (c’est, semble-t-il, le drapeau de l’Union européenne).

    Est-ce le château de Moulinsart ? Est-ce une publicité pour le catalogue de Relais et Châteaux ? On ne sait pas bien. Tout est flou et loin. Fuyant même.

    Et le parc en arrière plan est désert : pas de fleurs, pas d’animaux, pas d’enfants qui courent, pas de garden-party. Rien que de l’herbe. Un ennui sidéral se dégage de ce parc. Il n’y a qu’un arbre, à droite de la photographie : il se situe en arrière-plan, éclairé, alors que l’homme est dans un clair-obscur. Il n’a manifestement pas eu la chance de passer de l’ombre à la lumière comme J. Lang en 1981 : lui, il y est resté.

    Un homme tronc

    L’homme est pris en « plan américain », il a les jambes coupées. Mauvais présage.

    L’homme nous regarde mais son corps est orienté de trois quarts vers sa gauche, comme s’il allait bouger : ses mains, assez grosses d’ailleurs par rapport à son visage, ne sont donc pas au même niveau, ce qui fait bizarre. Dans un western, on pourrait penser qu’il va dégainer, mais il est désarmé.

    Aurait-il un bras plus court que l’autre, comme Guillaume II ? La photo donne l’impression que l’homme voudrait avancer ou nous dire quelque chose, mais qu’il ne le peut pas. Il reste muet et figé. Comme paralysé dans son élan.

    Un homme banal

    Cet homme pourrait être n’importe qui : le responsable du marketing d’une grande multinationale, un cuisinier renommé, un notaire ou le cousin machin. Rien dans la photographie ne nous indique sa fonction, sinon son sous-titre : « François Hollande, Président de la République Française ». Française : il faut préciser, en effet ; il pourrait être élu au Bundestag ou aux Cortes, le décor serait le même. C’est à cela qu’on reconnaît habituellement « l’art contemporain » : il faut que quelqu’un décode l’œuvre, sinon personne ne comprend le « geste » de l’artiste !

    La légende nous éclaire : voilà un président « normal ». C’est un Français banal, mais qui habite dans un château et qui doit s’enquiquiner toute la journée dans son grand parc désert ; un milliardaire qui s’ennuie, comme le dessinateur Sempé savait les croquer. On comprend qu’il n’ait pas envie de rire, surtout s’il pense aux impôts et aux charges qu’il va devoir bientôt payer.

    Suivez son regard

    Son directeur de cabinet croit nécessaire de nous indiquer qu’il a le regard « tourné vers la France, avec à la fois beaucoup d’attention, beaucoup d’humanité et beaucoup de vigilance ».

    On a, en effet, besoin de cette explication pour comprendre qu’il s’agit d’un homme politique. Mais un examen plus attentif de la photographie montre que, compte tenu de son orientation, l’homme ne nous fixe pas vraiment : il vise notre épaule droite et au-delà. Son regard passe donc au-dessus de nous. Mais que regarde-t-il ? L’horizon électoral ? La crise financière qui revient ? Les entreprises qui vont fermer ? Les futurs cortèges de « partenaires sociaux » ? On ne sait pas trop.

    Une posture inconfortable

    A l’évidence son sourire est indéfinissable. Il ne respire ni la joie de vivre ni la grande santé. L’inclinaison vers le bas de ses yeux n’arrange rien. Le propriétaire des lieux a le front dégagé, mais il a l’air préoccupé, crispé même. Comme s’il ne savait que faire.

    Avancer ? Mais il ne le peut pas puisque ses jambes sont coupées : c’est un homme tronc qui nous regarde. Pivoter vers sa gauche ? Il irait encore plus dans l’ombre : vers le côté obscur de la force politique, en quelque sorte. Pivoter vers sa droite ? Difficile dans la position où il se tient : il va se faire un tour de reins. Reculer ? Mais il va se perdre dans ce grand parc désert et lugubre ! La photo nous montre qu’il se tient déjà dans une posture bien inconfortable !

    Objectif atteint

    Il paraît qu’il a fallu prendre 200 clichés avant d’arriver à celui-là. Les autres devaient être pires, sans doute ! Ce portrait tranche assurément avec celui de ses prédécesseurs et sur ce plan l’objectif de communication est atteint.

    Ce portrait n’exprime pas, en effet, la solidité des institutions ni la grandeur de l’Etat comme au temps d’un De Gaulle ou d’un Mitterrand. Non : dénué de tous les symboles de l’autorité républicaine, le personnage paraît au contraire flotter dans sa photo, comme si ce rôle était trop vaste pour lui. Sans ses jambes, il manque d’assise.

    Le portrait n’exprime pas vraiment non plus le mouvement ni les lendemains qui chantent : c’est une photographie qui ne se veut pas pausée, mais qui n’en est pas moins figée.

    La photo n’exprime pas, enfin, la détermination qu’on attendrait de la part du capitaine quand la tempête menace. L’homme a l’air gentillet, mais ses bras sont ballants et ses mains ouvertes. Il ne tient rien, il ne s’appuie sur rien, il ne désigne rien. Il est là, c’est tout : enfoncé jusqu’à mi-cuisses dans ce parc, déjà englué dans la réalité.

    C’est à sa manière, un portrait qui inquiète.

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 juin 2012) 

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  • Le vol du bourdon...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux débuts de la présidence Hollande...

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    Le retour de la gauche : le vol du bourdon

    Aux législatives de juin, la gauche devrait obtenir, selon les sondages actuels, moins de voix que la droite mais elle gagnerait pourtant la majorité de l’Assemblée nationale : cela grâce à la désunion suicidaire de la droite.

    La gauche va donc bientôt cumuler tous les pouvoirs, mais on voit bien que le cœur n’y est pas. Car nous ne sommes plus en 1981.

    Pas d’état de grâce

    Le sondage Harris Interactive du 16 au 18 mai 2012 (soit après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement) montre que si F. Hollande jouit pour le moment d’une opinion favorable (54% déclarent lui faire confiance), il est loin d’atteindre les scores de ses prédécesseurs. Le sondage TNS Sofres/Sopra group/ Figaro Magazine des 25 et 26 mai 2012 (leFigaro.fr du 31 mai 2012) donne des résultats voisins (55% d’opinions favorables). Mais Mitterrand en 1981 atteignait 74% d’opinions favorables et Sarkozy 63% en 2007. En d’autres termes, F. Hollande ne bénéficie pas d’un véritable état de grâce. Ces sondages ne doivent pas surprendre : ils reflètent en effet une réalité politique simple : F. Hollande n’a pas été élu à la majorité des votants (seulement 48,6% des votants).

    Certes, les sondages montrent aussi qu’une majorité de personnes interrogées ne veulent pas d’une nouvelle cohabitation, qui signifierait un nouvel immobilisme, ce qui laisse présager une majorité socialiste aux élections législatives. Mais cela ne signifie pas que le programme socialiste soit « majoritaire » pour autant.

    Un mauvais goût de déjà vu

    En 1981, la gauche avait la satisfaction de parvenir enfin seule au pouvoir, une première depuis la Libération. Elle était en outre bardée des certitudes du Programme commun et promettait la « rupture ». Aujourd’hui, la victoire de la gauche a un mauvais goût de déjà vu et dans les beaux quartiers on ne croit plus que les chars russes vont bientôt déferler sur les Champs-Elysées.

    En 1981, des fonctionnaires avaient quitté leurs fonctions pour ne pas collaborer avec le nouveau pouvoir socialo-communiste. Aujourd’hui, personne ne l’a fait. La gauche a repris l’Etat comme si de rien n’était, car elle fait partie des meubles désormais.

    Ce n’est pas la normalité qui triomphe, c’est la morosité

    Ce n’est pas la « normalité » qui triomphe mais la morosité qui est générale. Il n’y a que les Français de papier pour agiter des drapeaux – étrangers – de la liesse « populaire ».

    Car si la droite est une fois de plus dans les choux, la gauche aborde 2012 avec un logiciel idéologique dépassé. Mais elle donne le sentiment d’en avoir vaguement conscience, au surplus.Cela ajoute au malaise, et explique sans doute le visage crispé et triste du nouveau président, qui se demande sans doute comment il va « appliquer son programme » de changement après les élections. Mais pour changer quoi, au juste ?

    Un logiciel économique dépassé

    Par exemple F. Hollande a demandé à la Cour des comptes un audit des finances publiques… comme en 1981. Mais F. Hollande semble ignorer que depuis 2006 les comptes de l’Etat sont tenus en comptabilité générale et certifiés : on mesure exactement ses engagements. On connaît avec précision l’ampleur de la dette et des déficits publics. L’audit ne sert à rien, sauf à faire de la communication sur « l’héritage » de Sarkozy ; et aussi à semer l’inquiétude sur la situation de la France.

    Car la gauche française, qui promet de maîtriser les déficits en retrouvant la croissance, ne sait pas – et n’a jamais su – réduire les dépenses publiques. Dans le meilleur des cas elle gagera laborieusement d’un côté le surplus de dépenses qu’elle a promis de faire de l’autre. Son truc c’est, au contraire, toujours d’augmenter les impôts, bien sûr au nom de la « justice sociale », en fait de l’égalitarisme. C’est bien plus facile à réaliser avec une majorité godillot qui vient d’être élue ; et c’est bien plus porteur que de mécontenter les différentes clientèles qui bénéficient des largesses publiques, en particulier dans les « banlieues » qui ont voté pour la gauche.

    Bien sûr, la gauche prétend que les dépenses publiques vont stimuler la croissance tant attendue et réduire le chômage. Tous les socialistes européens le croient depuis 1848. Les Français espèrent aussi profiter d’un relâchement des disciplines budgétaires avec l’affaiblissement politique de Mme Merkel.

    Nous ne sommes plus au temps de Blum, de Keynes ni de Mitterrand

    Mais, à la différence de 1936 ou de 1981, nous vivons dans une économie désormais ouverte, sous la surveillance constante des opérateurs financiers. Tout relâchement des efforts budgétaires est interprété en temps réel et provoque la défiance des marchés et se répercute sur la valeur de la monnaie. A peine le gouvernement a-t-il annoncé un relèvement du SMIC que les avertissements de Bruxelles pleuvent sur lui. Un premier avertissement sans frais, avant celui des marchés. Et la croissance se développe en Asie, pas dans la vieille Europe vieillissante et désindustrialisée. Les dépenses publiques n’y changeront rien. Pour retrouver la croissance, il faudrait changer de système. Mais la gauche, ralliée au libre-échangisme, en est incapable.

    Le salut par les partenaires sociaux ?

    L’autre solution miracle de la gauche consiste à en appeler aux « partenaires sociaux » : Grenelle, le retour IV !

    Mais c’est un mauvais remake car les syndicats sont aujourd’hui encore moins crédibles qu’hier. Et les apparatchiks syndicaux, qui arrivent à Matignon dans leurs belles voitures de fonction, déballent déjà leur cortège de revendications catégorielles, toutes moins finançables les unes que les autres.

    Si M. Hollande s’en tient à son programme nous aurons donc plus d’impôts, plus de déficits et plus de chômage financé sur fonds publics. Cela ne sera pas vraiment le « changement » pour la classe moyenne ! S’il change de programme, il devra affronter la grogne des camarades syndiqués. Bonjour tristesse !

    Jules Ferry le retour

    Dépassé aussi le logiciel pédagogique de la gauche : on appelle encore les mânes de Marie Curie et Jules Ferry à la rescousse, comme au bon vieux temps de la communale !

    Cela doit sans doute réjouir les vieux militants, mais manifestement d’aucuns n’ont pas vu le terrifiant film Entre les murs, de Laurent Cantet, ou La Journée de la jupe… Car aujourd’hui Marie Curie se ferait violer et Jules Ferry serait traité de céfran raciste par les « jeunes », en classe.

    Mais on va recruter de nouveaux « enseignants », revoir l’autonomie des universités (pour leur donner plus de moyens, on suppose) et augmenter l’allocation de rentrée scolaire, comme si de rien n’était. Tout ira certainement pour le mieux dans le Tonneau des danaïdes pédagogiques…

    Le retour des bisounours

    Dépassé aussi le logiciel sécuritaire de la gauche : on va créer des zones de sécurité prioritaires (avec le succès des ZEP, sans doute…) et, bien sûr, revenir sur la justice des mineurs, jugée trop répressive. La première sortie officielle de Mme Taubira a malheureusement permis à un détenu de prendre la fuite (Le Monde du 23 mai 2012). Tout un programme.

    Que dire aussi de la façon dont la gauche approche le défi de l’immigration ?

    Le vol du bourdon

    Comme un bourdon pris au piège, la gauche se cogne aux fenêtres de la réalité, avant même d’avoir commencé à agir. A peine installés, les jeunes ministres socialistes nous paraissent déjà prématurément vieillis. On a l’impression qu’ils sont là depuis dix ans. Mais c’est sans doute parce qu’ils y étaient sous un autre nom.

    Bien sûr, la gauche saura se donner du mouvement, au début, pour faire croire au « changement » : un peu de droits des femmes par ci, un peu de réduction des rémunérations par là, un peu de taxe sur les « riches » aussi, et un zeste de droit de vote des immigrés pour pimenter la sauce médiatique. Mais, pour les vrais miracles, il va falloir attendre un peu plus longtemps !

    A peine élu, F. Hollande s’est précipité à Berlin et à Washington. Tout un symbole : le bourdon triste au pays des abeilles. Car c’est là, et non à Paris, que se prennent les vraies décisions de nos jours. Mais en se rendant en Allemagne son avion a été foudroyé. Comment les anciens Grecs auraient-ils interprété ce signe des dieux ?

    Michel Geoffroy (Polémia, 31 mai 2012)

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  • Vote ethnique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'analyse des excellents résultats obtenus par François Hollande dans les banlieues des villes importantes.

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    L'immigration est aussi une chance pour les socialistes !

    On abordait jusqu’alors la question de l’immigration du point de vue économique : l’impact de l’immigration sur le chômage et sur les comptes sociaux. L’immigration a aussi été approchée du point de vue du « droit » au séjour et à la nationalité, lors de la question des « sans papiers » et du « droit du sol ». Malgré la censure des médias, l’immigration a aussi été évoquée sur le registre de l’insécurité et celui de la délinquance. La question de l’abattage hallal a enfin conduit à poser en termes concrets la question de l’islamisation de notre société et à renouveler le débat sur la laïcité.

    Mais l’immigration n’avait jusqu’alors pas été abordée sous l’angle de la souveraineté politique, sauf par Guillaume Faye dans son livre La Colonisation de l’Europe (paru en 2000), qui lui valut d’ailleurs des poursuites judiciaires. Mais, à la lumière de l’élection présidentielle de 2012 et de la victoire de F. Hollande, on ne peut plus esquiver la question.

    La présidentielle de 2012 renouvelle la question

    Le sujet était jusqu’alors délicat car peu d’études permettaient de l’approcher. En outre, l’idée que les personnes d’origine immigrée répartissaient leurs suffrages d’une façon diversifiée ou bien s’abstenaient majoritairement était largement répandue. G. Faye pensait pour sa part que le vote ethnique ou religieux s’affirmerait et ne profiterait pas aux partis en place. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé en 2012.

    Les images des drapeaux africains et maghrébins agités sur la Place de la Bastille au soir du 6 mai 2012, comme dix ans auparavant au soir du second tour de l’élection présidentielle de 2002, illustrent le fait que nous avons changé d’époque. Comme le montraient aussi les réunions du candidat F. Hollande où l’assistance était nettement plus « ethnique », comme on dit en novlangue, que celle des réunions de N. Sarkozy. Elles ont apporté la preuve visuelle, en effet, que les électeurs issus de l’immigration, et notamment des musulmans, ont voté en très grande majorité pour le candidat socialiste.

    Déjà en 2007

    Cette situation était déjà apparue pour l’élection présidentielle de 2007.

    Le sondage CSA/La Croix du 22 avril 2007 montrait que le comportement des électeurs se déclarant « musulmans » différait radicalement de celui des autres : 78% pour la gauche et l’extrême gauche, contre 35% au plan national. L’analyse des résultats des villes phares de l’immigration en Ile-de-France, en Isère et dans le Rhône donnait des résultats comparables : la candidate socialiste recueillant de 60 à 70% des voix ; une analyse plus fine des bureaux de vote montrait que, dans les quartiers à forte immigration, la candidate socialiste recueillait 80% des voix.

    Une adhésion massive du vote ethnique

    L’élection de 2012 confirme la tendance mais en l’amplifiant.

    Le sondage Opinion Way/Fiducial/le Figaro du 6 mai révèle une adhésion massive des électeurs musulmans en faveur de F. Hollande : 93% des voix. Déjà, au premier tour, la même étude montrait que 59% des ces électeurs avaient voté pour F. Hollande et 23% en faveur de J.L. Mélanchon, N. Sarkozy ne rassemblant que 4% de leurs voix.

    Le score du candidat socialiste dans les départements d’outre-mer (de 62% en Guyane à 71,9% en Guadeloupe) témoigne d’un positionnement comparable : les Antilles et La Réunion lui ont apporté 600.000 voix en effet, un apport qui n’était pas mince alors que l’écart des voix avec N. Sarkozy s’établissait à 1.400.000. De même, le site Guineenews du 28 avril 2012 révélait le démarchage dont la « communauté » guinéenne de France avait fait l’objet de la part du candidat socialiste dans la perspective du second tour de la présidentielle. D’autres « communautés » ont dû faire l’objet du même démarchage. Car d’après certaines études il y aurait 4,5 millions de Noirs de France : une autre cible politique pour la gauche !

    En 2007 le vote préférentiel des musulmans en faveur du candidat socialiste avait pesé mais pas trop, car la candidature de N. Sarkozy était portée par une dynamique forte. Mais en 2012, alors que F. Hollande n’a pas obtenu la majorité des votants et que l’écart avec N. Sarkozy était faible, il en va tout autrement.

    La stratégie de niche ethnique de la gauche

    La stratégie de niche adoptée par la gauche qui, depuis les années 1980, a fait de l’immigré et de « l’autre » – à condition qu’il ne soit pas d’origine européenne – un prolétariat de rechange, a donc porté.

    La droite a, au contraire, adopté une position fluctuante vis-à-vis de la question de l’islam et de l’immigration : tantôt libérale et favorable à « l’immigration choisie » et aux régularisations d’immigrés en situation irrégulière, pour complaire au patronat ; tantôt favorable à un « islam à la française » pour donner le change aux laïcs ; tantôt tentée par un discours plus restrictif pour séduire l’électorat populiste.

    Mais la gauche, elle, n’a pas eu ces hésitations idéologiques et a clairement fait le choix de la préférence ethnique. L’itinéraire d’H. Désir, fondateur de SOS Racisme dans les années 1980 et aujourd’hui cacique du PS, illustre ce positionnement de longue durée.

    En effet, par égalitarisme, la gauche nie tout caractère structurant aux différences humaines : l’immigré, qu’il soit malien, suédois ou algérien, n’est-il pas un homme ayant des droits « imprescriptibles » ?

    Prétendre attacher de l’importance aux différences ethniques, religieuses ou culturelles ne serait donc à ses yeux qu’une preuve de « racisme », « d’islamophobie » ou de « xénophobie ». Un peu d’intégration « républicaine » et tout ira bien ! Laïque par tradition, la gauche est portée aussi à minorer le poids des divergences religieuses ; et tout ce qui nuit à la religion catholique la satisfait de surcroît. Son credo égalitaire ne pouvait enfin que séduire des minorités qui se considèrent, à tort ou à raison, comme victimes de « discriminations » de la part des Français de souche.

    Le remplacement des classes populaires par les classes ethniques

    La gauche a en outre adopté une vision compassionnelle du bon immigré victime des méchants « racistes » et dont le sort serait solidaire de celui des travailleurs exploités. Cette attitude lui a, certes, aliéné une partie de l’électorat populaire autochtone qui souffre de l’immigration, car à la différence des bobos, celui-ci n’a pas la possibilité de se mettre à l’abri. Mais, en contrepartie, la gauche a gagné le soutien d’un groupe en expansion démographique : les personnes d’origine immigrée, d’origine africaine et celles de religion musulmane.

    Les propositions faites en vue du droit de vote des « résidents » aux élections locales s’inscrivent d’ailleurs dans la continuité de cette logique. Car, comme le faisait remarquer N. Sarkozy lors de son débat avec F. Hollande le 2 mai, ce ne sont pas les Suédois qui vont profiter de cette mesure ! Ce sont avant tout les résidents africains ou maghrébins et des musulmans. Ce qui renforcera d’autant le vote à gauche.

    Le vote ethnique a fait la différence

    Alors que le candidat socialiste n’a pas rassemblé la majorité des votants il a au contraire regroupé la majorité des électeurs ethniques.

    En d’autres termes la gauche a commencé de recueillir en 2012 les fruits de sa stratégie de niche ethnique.

    Dans un électorat autochtone qui, malgré le rejet de N. Sarkozy, est resté majoritairement ancré à droite, cela a fait la différence en faveur du candidat socialiste. En effet, dans une élection au suffrage majoritaire, ce qui compte ce n’est pas de s’acharner à mobiliser un électorat dispersé mais au contraire de rassembler le plus de groupes de pression possibles.

    Afrique/islam/socialistes même combat ?

    Il faudrait aussi se demander pourquoi les électeurs musulmans ou d’origine africaine votent socialiste. Sans doute pas parce qu’ils sont séduits par le programme, en particulier en matière de mœurs ! Mais parce qu’ils pensent que la gauche leur sera plus favorable dans la durée : plus favorable en matière de lutte contre les « discriminations », plus favorable en matière « d’égalité des droits » à revendiquer contre les autochtones. Car ces droits sont en réalité des droits créances que l’on exerce à l’encontre de la majorité de la population, comme le démontre la « discrimination positive » dont le concept a été apporté par N. Sarkozy.

    D’après Julien Goarant, directeur d’études chez Opinion Way, les électeurs musulmans auraient aussi voulu sanctionner la « stigmatisation » et « l’instrumentalisation » de leur religion : une réaction lourde de menaces pour l’avenir, quand on sait qu’une majorité d’Européens et de Français estiment de leur côté que l’islam est de plus en plus présent dans l’espace public et que les musulmans s’intègrent mal.

    Mais en votant socialiste, les électeurs musulmans et d’origine africaine ont surtout préféré plus de laxisme en matière d’immigration. En d’autres termes, ces électeurs comptent sur la gauche pour laisser se renforcer le poids de la population d’origine étrangère et de religion musulmane en France. C'est-à-dire pour renforcer leur influence dans la société.

    Sans doute aussi visaient-ils le maintien des avantages que leur offre l’économie-providence. Lors des émeutes de 2005 c’est une économie de rentes qui s’était révoltée. En 2012, c’est une économie de rentes qui s’est mobilisée.

    C’est donc une stratégie à long terme, même si elle profite aux deux parties dans l’immédiat : à la gauche et aux minorités ethniques ou religieuses. Mais on doute qu’elle profite aux Français autochtones !

    Car F. Hollande a été élu grâce à l’appoint des électeurs ethniques et musulmans qui a clairement fait défaut à N. Sarkozy. Ceux-là vont certainement se rappeler à son bon souvenir le moment venu.

    Et surtout cela doit nous interpeller quant à la nature de la « grande substitution » provoquée en Europe par l’immigration de peuplement. Après l’espace économique, après l’espace religieux, c’est maintenant l’espace de la souveraineté politique qui pourrait échapper aux Français de souche.

    Bienvenue dans le XXIe siècle !

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 mai 2012)

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  • Vae victis !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux raisons de la défaite de Nicolas Sarkozy... 

     

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    Vae victis : la défaite méritée de la droite la plus bête du monde

    La défaite de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles de 2012 n’est pas seulement celle d’un homme qui a très rapidement dilapidé son capital politique. Car en cinq ans le président sortant a réussi non seulement à faire gagner la gauche mais aussi à remettre en selle l’extrême gauche et le parti communiste, en catalysant le rejet autant de sa personne que de sa politique, tout en décourageant ses soutiens.

    Et la crise n’explique pas tout, car cet échec est aussi celui de toute la droite française, qui est vraiment « la plus bête du monde », selon la fameuse expression attribuée au socialiste Guy Mollet !

    La droite en France est, certes, en dormition depuis les épurations et diabolisations successives dont elle n’a cessé d’être frappée. Mais cela ne saurait tout excuser. La triste vérité est que la droite en France est bête et qu’elle ne cesse de commettre des bêtises. Retour sur cinq d’entre elles :

    La première bêtise, la plus ancienne, est d’avoir délaissé la lutte des idées

    Jusque dans la première moitié du XXe siècle, la droite en France rassemblait de brillants intellectuels et des artistes. La IVe République, qui a vu la mainmise de la gauche sur la culture, l’enseignement, l’édition et la presse, suite à l’Epuration, y a mis un terme.

    Mais cela a malheureusement continué sous la Ve République : la droite a perdu en 1968, puis en 1986 avec la cohabitation, le combat culturel face à la gauche.

    Cette droite n’a tenu compte, en outre, d’aucun des avertissements qui lui ont été adressés par certains intellectuels amis (de Michel Droit à Louis Pauwels) et par certains clubs de réflexion, en particulier après la victoire de la gauche en 1981 : elle n’a pas voulu comprendre que ce sont les idées qui mènent le monde, le monde politique en particulier.

    La droite au front de taureau a continué de ne réfléchir à rien, de ne rien lire et de n’avoir des idées sur rien.

    La droite n’a donc pas vu venir les nouveaux clivages culturels et politiques qui émergeaient en Europe et en France : le clivage identité/cosmopolitisme ; le clivage islam/chrétienté ; le clivage oligarchie/peuple ; le clivage souveraineté /mondialisme ; le clivage protection/libre-échangisme. Sur tous ces sujets, qui sont autant de « grandes querelles », comme disait De Gaulle, la droite de gouvernement n’a rien eu à nous dire en 2012. Elle n’a donc nullement profité de ces nouvelles lignes de fracture politiques.

    La droite a longtemps cru que sa « bonne gestion de l’économie » constituerait son meilleur argument électoral face à une gauche « idéologique ». Car autrefois la droite rimait avec économie – au sens vertueux du mot –, avec confiance dans la monnaie ainsi qu’avec rigueur budgétaire et financière. Mais la droite a perdu aussi sur ce terrain-là !

    Avec Chirac puis Sarkozy, la droite est devenue au moins aussi laxiste, sinon plus, que la gauche : les déficits et l’endettement publics se sont envolés. La France a perdu son triple A. Les transferts sociaux au profit de différentes clientèles et les réglementations bureaucratiques se sont, comme les radars, multipliés. Les impôts et prélèvements « sociaux » n’ont cessé de progresser, et cela avait déjà commencé sous Giscard d’Estaing.

    Pas étonnant que les jeunes et les actifs se détournent de cette droite qui regarde, dans le rétroviseur, passer les trains de l’histoire !

    La seconde bêtise a consisté à adopter l’idéologie de la gauche

    Les « stratèges » de la droite ont cru habile, au surplus, pour contrer les communistes et les socialistes, de se placer sur le même terrain qu’eux.

    Les mots d’ordre des hommes politiques de droite, véritables éponges idéologiques à la fin du XXe siècle, proviennent d’ailleurs quasiment tous de la gauche : la « nouvelle société » (car la société est bloquée par le conservatisme, bien sûr ! selon Chaban-Delmas), « la société libérale avancée » (c'est-à-dire une sorte de social-démocratie : Giscard d’Estaing), « le travaillisme à la française » (Chirac), le « changement » et « vivement demain » (en 1986), la « rupture » (Sarkozy après… Mitterrand en 1981). Le dernier chic à droite était d’ailleurs de se réclamer d’hommes de gauche : de Jaurès à Georges Mandel.

    La droite s’est donc réclamée des droits de l’homme, de la République et surtout du libre-échangisme mondialiste. Mais c’était un cocktail à la fois ringard et dangereux ! Comme ces vieilles munitions que l’on déterre encore et qui vous explosent à la figure quand on commence à les manipuler…

    Ainsi les droits de l’homme – instrumentés contre les communistes dans les années 70 – sont devenus en retour une arme aux mains des immigrationnistes et des mondialistes contre les droits des citoyens et contre la souveraineté des Etats. Chirac a fini par faire la guerre à la Serbie au nom des droits des mahométans du Kossovo. Et Sarkozy a promu « l’obligation de protéger » les Libyens, un remake de « l’urgence humanitaire » inventée par le socialiste Bernard Kouchner… et qui fut aussi son ministre d’ouverture.

    Devenue anglophile, la droite s’est ensuite emparée avec délices du prêt à penser libéral, qui fut rapidement véhiculé par les intellectuels organiques de service et les représentants du patronat : trop d’impôts tue l’impôt, libérons les créateurs de richesses, dérégulons, privatisons, à bas l’Etat, vive l’Etat de droit !

    Il s’agissait néanmoins d’un hara-kiri idéologique.

    Car les droits de l’homme et la doctrine libre-échangiste se rattachent comme la gauche à l’idéologie des Lumières. Toutes ces idéologies prônent la déconstruction des traditions, des protections nationales et des frontières économiques et, finalement, de toutes les spécificités – c'est-à-dire des identités – comme autant d’obstacles au « doux commerce » entre des individus égaux et « rationnels » car libérés de toute appartenance.

    On ne peut donc pas à la fois se déclarer en faveur de la famille, des traditions culturelles, de l’identité, de la citoyenneté ou de la nation et prôner le libre–échangisme et les droits de l’hominien : il y a dissonance cognitive entre les deux positionnements !

    Le fait que la gauche – qui prétend de son côté que l’on peut préserver notre « modèle social », version 1946 modifiée 1981, dans une économie globalisée – porte comme un boulet sa propre dissonance cognitive ne change rien à l’erreur stratégique de la droite.

    Le résultat est là : en 30 ans la droite est devenue une gauche qui ne dit pas son nom. Elle s’est progressivement ralliée à l’égalitarisme, à la « lutte contre les inégalités » et donc à l’ingénierie sociale, puis à « l’antiracisme », à l’écologisme, au féminisme et finalement au cosmopolitisme.

    La troisième bêtise a consisté à tromper en permanence son électorat

    La gauche a échoué à sortir du système capitaliste. Mais elle a, par contre, réussi à transformer la société conformément à son idéologie et elle a mis en œuvre une bonne partie de son programme électoral.

    La droite, elle, n’a cessé de tromper ses électeurs. Elle scénarise à chaque élection un duel à mort avec la gauche. Mais c’est ensuite pour cohabiter avec elle, pour faire entrer au gouvernement des ministres issus de la gauche au titre de « l’ouverture » ou pour en rajouter sur le politiquement correct.

    Elle met en scène un discours « souverainiste » (de Pasqua à De Villiers, sans oublier l’appel de Cochin de Chirac) ou « sécuritaire » (en général ce rôle incombe au ministre de l’Intérieur en place) pour aller à la pêche aux voix : mais ensuite ces joueurs de flûte rentrent piteusement dans le rang et font le contraire de ce qu’ils ont promis.

    « Les réformes les plus contestables qui ont bouleversé notre société, et dont l’effet cataclysmique se fait sentir aujourd’hui, ont d’ailleurs été prises par des gouvernements et des présidents de droite et non de gauche : la déstructuration de l’enseignement scolaire et universitaire, la loi Pleven qui ouvre la voie au chantage « antiraciste », le regroupement familial des immigrés, la légalisation de l’avortement, l’imposition du Traité de Lisbonne, l’annonce des « repentances » successives, la perte de la souveraineté monétaire, la réintégration de l’OTAN, la mise en place des quotas féministes, la création de la HALDE, la « discrimination positive », etc.

    « C’est aussi la droite et non la gauche qui a bouleversé l’esprit et les institutions de la Ve République. Avec la cohabitation de 1986, la droite a accepté de dissocier la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, créant la confusion politique et l’immobilisme. Elle a ensuite réduit la durée du mandat présidentiel, diminuant du même coup sa dimension souveraine. Nicolas Sarkozy a achevé l’évolution en fusionnant de fait les fonctions de premier ministre et de président de la République, rabaissant le niveau de la fonction.

    « C’est aussi la droite qui a bouleversé, au nom de l’idéologie néolibérale de « l’Etat de droit », le système de contrôle de la constitutionnalité des lois : elle a transformé le Conseil constitutionnel en gardien idéologique, c'est-à-dire qu’elle a organisé la primauté des juges inamovibles sur les législateurs élus.

    « La gauche a certes supprimé la peine de mort, voté les lois Auroux sur le pouvoir syndical dans l’entreprise, instauré les 35 heures et voté la loi Fabius-Gayssot, des réformes également cataclysmiques. Mais cela ne saurait cacher que globalement c’est la droite de gouvernement qui a à son passif le plus de réformes calamiteuses pour notre pays. »

    La quatrième bêtise de la droite a été son incapacité à s’unir

    L’histoire de la droite en France depuis les années 1870 est l’histoire de ses déchirements et de ses luttes fratricides, alors que les querelles de la gauche sont toujours restées, selon la formule célèbre de Léon Blum, des querelles de famille.

    A la différence de la gauche, la droite ne sait pas jouer collectif et sacrifie en permanence l’essentiel au nom de l’accessoire. C’est pourquoi elle ne parvient pas à s’imposer dans la durée.

    Dernière illustration de ce travers historique : la droite au front de taureau a coupé les ponts avec le Front national tout en prétendant récupérer ses électeurs. Elle a donc fait le contraire de la stratégie victorieuse d’union de la gauche. Bravo les parangons du « vote utile » !

    Cette préférence pour la désunion a eu pour seul résultat que la droite, bien que majoritaire dans le pays, s’est retrouvée prise en otage politique par une gauche minoritaire. Une performance remarquable !

    Afin de se dédouaner, en effet, de l’accusation, constamment proférée par la gauche et les officines qui lui sont dévouées, de « pactiser » avec le diable « d’extrême droite », la droite a été contrainte de donner des gages de plus en plus élevés. Elle s’est déclarée de plus en plus « républicaine », c’est-à-dire toujours plus politiquement correcte.

    Elle a dû aussi sacrifier impitoyablement tous ceux qui, dans ses rangs, prétendaient à l’union de la droite : ils ont été abandonnés, ostracisés, souvent ruinés et, comme par hasard, parfois aussi, objet de poursuites judiciaires.

    Cette diabolisation permanente a aussi fait peser une chape de plomb politiquement correcte sur le pays.

    Parler de l’immigration ou de l’islam autrement qu’en termes laudateurs, ou de l’insécurité, c’était bien sûr « faire le jeu » du Front national ou « lepéniser » son esprit ! Mais cette chape de plomba nui plus à la droite qu’à la gauche, pour la raison principale que le politiquement correct est fondamentalement la déclinaison des tabous de gauche. La diabolisation du débat sur les enjeux de société a donc eu pour effet de stériliser encore plus ce qui restait du discours de droite.

    Enfin cette diabolisation a ancré la droite de conviction dans l’espoir fou qu’elle pourrait gagner seule, interdisant en retour toute dynamique d’union : un espoir fou, car arithmétiquement impossible dans des conditions normales et par conséquent facteur de découragement et de discorde autour de la meilleure stratégie possible, en particulier pour sortir de la « diabolisation ».

    Malgré ses ultimes et pathétiques appels du pied entre les deux tours, Nicolas Sarkozy n’a pas su sortir du piège où Jacques Chirac avait fourvoyé la droite.

    La cinquième bêtise de la droite a consisté à se couper du peuple 

    Au début de la Ve République, la droite était majoritaire et populaire : c’est l’apport du gaullisme qui était bien à sa manière un « populisme » : un chef charismatique, une société politique implantée dans toutes les couches de la société et un appareil solide et structuré. Le fondateur de la Ve République voulait en outre sortir du « système des partis » et ancrer l’exécutif dans la souveraineté populaire directe : l’élection au suffrage universel direct du président de la République et la pratique référendaire devaient y pourvoir.

    La droite est au contraire devenue oligarchique à la fin du XXe siècle ! C'est-à-dire qu’elle perçoit le peuple français désormais comme un obstacle à ses projets et non plus comme un levier. En témoigne l’attitude de Nicolas Sarkozy faisant adopter par le parlement un traité européen que les Français avaient refusé par référendum !

    Dans l’esprit obtus des oligarques de droite, la souveraineté ne vient plus du peuple – en tout cas plus du peuple autochtone – mais d’ailleurs : du gouvernement des juges, des lobbies communautaires, des « autorités morales », du pouvoir médiatique, des marchés et de la « gouvernance » européenne et mondiale.

    La droite a malheureusement oublié la leçon du gaullisme : la souveraineté politique vient du peuple, pas des appareils ni des notables ni des « communautés ». Elle s’est mise à courtiser les minorités et non à écouter la majorité.

    Elle a donc raté son rendez-vous avec le peuple français à la fin du XXe siècle car, en se soumettant au politiquement correct, elle s’est interdit de répondre à ses attentes. Elle n’a profité qu’un temps de la désaffection vis-à-vis de la gauche et de la chute du communisme : elle a, au contraire, couru après la gauche tout en méprisant et ostracisant 20% du corps électoral. Elle a déçu ses électeurs naturels, elle a trompé leur confiance et elle n’a pas su répondre à l’angoisse montante des classes moyennes.

    Tant pis pour elle ! Vae victis, comme disaient nos ancêtres.

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 mai 2012)

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